Les chiffres ministériels rapportent que 126 000 femmes ont subi des violences conjugales en 2019. Les chiffres de l'année 2020 sont désolants. En effet, la pandémie et ses confinements n’ont fait qu’accentuer ce phénomène. Pourtant, en 2019, le Grenelle pour lutter contre ces violences avait débouché sur des résultats prometteurs contrecarrés par la crise sanitaire. Malgré tout, les associations et le gouvernement se mobilisent pour porter secours à ces femmes en danger.
Crédit : @1ElisaMoreno
En sortie de premier confinement, certains membres d’associations auvergnates qui luttent contre les violences faites aux femmes, ont livré leur ressenti.
Pour rappel, les violences conjugales peuvent également toucher des hommes. Cependant, la différence est flagrante car en 2019, 84 % des morts au sein du couple étaient des femmes (source : gouvernement).
Via Infogram (source: Gouvernement)
Bilan du premier confinement
Le constat de ces associations était alarmant. Pour Danielle Malochet, une bénévole de l’association Femmes Solidaires de l’antenne de Clermont-Ferrand, le confinement agissait comme une « véritable chape de plomb sur ces femmes ».
L’un des effets les plus nocifs du confinement, que Danielle pointait du doigt, était “le silence qui devenait plus marquant et omniprésent en raison de la promiscuité constante entre les membres du couple ”. Les femmes victimes de violences conjugales n’avaient aucune échappatoire face aux violences morales ou physiques.
L’association Femmes Solidaires a donc dû adapter sa manière de venir en aide à ces femmes. C’est notamment grâce à son recensement via le numéro vert 3919 que ses bénévoles ont pu entrer en relation avec elles. “ Pendant le premier confinement, nous avons assuré nos missions par téléphone ou par mail ”, explique Danielle.
À noter : les personnes qui subissent des violences conjugales, ou qui en sont témoins, peuvent appeler le 3919 ou se rendre sur le site Solidarité Femmes .
De surcroît, le site du Gouvernement, Arrêtons les violences, permet à la fois de demander de l’aide, de témoigner ou à des professionnels de s'inscrire afin d'intervenir à plusieurs niveaux. La mobilisation de tous, durant ces périodes d’enfermement, est cruciale.
En cas d'urgence et de danger immédiat, vous pouvez composer le 17, le numéro de Police Secours ou envoyer un message au 114.
Ailleurs en Auvergne, les chiffres parlaient d'eux-mêmes. L'association Justice et Partage, renseignait que "les femmes victimes de violences conjugales, ont été nombreuses pendant cette période".
Via Infogram (source: Justice et Partage)
Le nombre de femmes ayant sollicité l'association Justice et Partage sur la même période (mars-juin), entre 2019 et 2020, a augmenté de 43 %. Ce pourcentage est loin d'être anecdotique. En effet, selon les chiffres ministériels, les violences à l'égard des femmes auraient augmenté de 42 % au niveau national, lors du premier confinement et de près de 15 % lors du second.
Quelque chose a changé lors du second ?
" Pendant ce second confinement, les choses n'ont pas évolué. Aucune amélioration n'est à constater mais rien n'a réellement empiré " , comme le souligne Danielle, membre de Femmes Solidaires.
" En ce qui nous concerne, le nombre d'appels n'a pas vraiment augmenté. Nous recevons entre deux et quatre appels par semaine ", témoigne cette dernière. Cette stagnation s'explique par plusieurs facteurs. Le plus important est l'échelonnage des associations vis-à-vis de l'affectation des appels des femmes en direction de la plateforme 3919.
Les associations qui embauchent des salarié(e)s sont en première ligne face aux appels. Tandis que celles, comme Femmes Solidaires, qui reposent sur le bénévolat se retrouvent en 4ème ligne.
Ce que regrettent le plus les bénévoles de Femmes Solidaires, ce sont les interventions qu'elles menaient au sein des écoles. Habituellement, ces dernières proposent plusieurs ateliers interactifs visant à promouvoir le respect envers chacun. Le confinement a rendu tout cela caduque.
Les associations ont vu leurs moyens d'action fortement limités étant donné l'interdiction d'aller sur le terrain. C'est donc au gouvernement d'endosser le rôle de garant de ces femmes afin qu'elles ne restent ni muettes, ni prisonnières.
La Grande cause du quinquennat Macron
Le président de la République, Emmanuel Macron, a lancé le 25 novembre 2017 la Grande cause du quinquennat afin de lutter contre les violences. Depuis, son mandat est jalonné de nouvelles lois renforçant l'égalité femmes-hommes et visant à diminuer les violences faites aux femmes. Le 25 novembre dernier, le président a pris la parole pour réaffirmer sa position.
Dernièrement certaines mesures inédites liées à la crise de la Covid-19 sont venues se greffer aux dispositifs initiaux. Ces dernières s'inscrivent dans le plan de lutte contre les violences conjugales pendant le confinement instauré le 16 mars 2020. Ces mesures ont été prolongées et élargies dès l'entrée de la France dans le second confinement, le 30 octobre dernier (le détail des mesures est dans le graphique destiné aux fonds supplémentaires, plus bas dans l'article).
Bilan post-annuel du Grenelle
Depuis la tenue du Grenelle contre les violences faites aux femmes, Marlène Schiappa a légué sa place à Elisabeth Moreno. Cette femme issue du monde de l’entreprise martèle sa volonté de faire bouger les choses. Comme elle le répète souvent, “ c’est la politique du chiffre qui dicte mes actions “.
La nouvelle ministre chargée de l’égalité femmes-hommes, de la diversité et de l’égalité des chances a donc décidé de faire un point d’étape des mesures issues du Grenelle de 2019.
Lors de cette prise de parole symbolique, durant la journée internationale de l'élimination de la violence à l'égard des femmes, la ministre a précisé que " 61 % des mesures (du Grenelle) sont effectives et que les 100 % sont engagées ". C'est ça la politique du chiffre.
Mais les chiffres ne font pas tout, loin de là. Les deux confinements consécutifs, sont profondément venus bouleverser les actions des associations et du gouvernement. La ligne 3919, entre autres, fait face à une affluence record. Selon le ministère à l'égalité femmes-hommes, les appels dirigés vers la plateforme ont triplé.
Pour répondre à cette résurgence d'appels et venir en aide à l'ensemble de ces femmes en détresse, le gouvernement a débloqué des fonds supplémentaires.
Via Infogram (source: Ministère de l'égalité femmes-hommes)
Parmi ces principaux fonds de financement, celui pour les nuitées d’hébergement s'élève à 500 000 euros. La cohabitation entre la victime et l'auteur des violences est devenue obligatoire en raison de la crise sanitaire. Les hébergements d'urgence ont donc été multipliés dans plusieurs départements pour atteindre les 6 700 sur l'ensemble du territoire français.
Via Datawrapper (source: Ministère de l'égalité femmes-hommes)
En parallèle, 220 000 euros ont été affectés à l’hébergement de courte durée des auteurs de violences dans le cadre d’une procédure d’éviction, permettant de maintenir les femmes à leur domicile.
Des mesures efficaces
En parallèle, certaines mesures comme celles du bracelet anti-rapprochement ou du Téléphone Grave Danger (TGD) se sont avérées être d'une profonde utilité. Ces deux dispositifs ont trouvé un écho tout particulier dans ces périodes où le danger est imminent et omniprésent.
L'association Justice et Partage en Haute-Loire avait expliqué son fonctionnement durant le premier confinement et les mesures qu'ils avaient mises en place. Selon l'association, " le confinement n'a pas créé de violences conjugales mais il les a exacerbées. Les hommes ne sont pas devenus violents à cause du confinement mais ce fut indéniablement une période qui n’a fait qu’amplifier le comportement de ceux qui l’étaient auparavant ".
Comme preuve de la résurgence de ces violences, les équipes de Justice et Partage sont allées donner à une femme un Téléphone Grave Danger, lui permettant d’appeler la police le plus rapidement possible en cas de réelle menace. La distribution de ces téléphones s'est multipliée dans le pays.
Via Infogram (source: Ministère de l'égalité femmes-hommes)
Les confinements sont incontestablement venus envenimer une situation déjà extrêmement complexe. La promiscuité entre les membres d'un couple fut et reste un combustible pour les violences conjugales. Le sentiment d'emprisonnement s'est développé dans l'esprit de nombreuses femmes victimes des coups et/ou des paroles de leur conjoint/e.
C'est pour cela que les associations et le gouvernement ont redoublé d'efforts afin de permettre à ces femmes de briser ce silence meurtrier. Par les plateformes d'écoute (3919), les numéros d'urgence (17/114), ils ont offert une échappatoire : la seule en plein confinement.
Il reste pourtant encore un long chemin avant d'éradiquer définitivement les violences conjugales. Le plus important étant de combattre le mal à la racine, c'est-à-dire par l'éducation des jeunes hommes dès le plus jeune âge. Danielle et les bénévoles de Femmes Solidaires, l'ont bien compris, et n'attendent que la levée du confinement pour repartir semer les graines du respect mutuel.
Antoine ALLART
Comments