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Une agriculture en pleine métamorphose (part.1)

Dernière mise à jour : 19 nov. 2020


Le monde de demain ?


Une utopie irréalisable. Un désir inaccessible. Une envie illusoire. Pendant trop longtemps, l’agriculture intensive fut perçue comme l’unique moyen de nourrir le monde. Mais des alternatives germent aux quatre coins du globe et deviennent des modèles réplicables à l’infini. Ils sont nombreux à se battre pour une agriculture plus proche de la nature mais aussi plus proche de l’Homme. Ils militent pour une agriculture raisonnée et raisonnable en osmose avec les préoccupations écologiques et sociales actuelles. Le voyage est encore long avant que l’agriculture productiviste ne devienne qu’un lointain souvenir. Mais il faut un début à tout e t les révolutions naissent en permanence d’une étincelle.


Comme le rappelle Muhammed YUNUS, l’économiste bangladais surnommé le « banquier des pauvres », la société avance plus vite que la machine gouvernementale. C’est pourquoi les mesures entreprises par les gouvernements paraissent souvent désuètes. Il est donc primordial que les hautes sphères politiques se réajustent quant aux attentes de la population liées au développement durable. En attendant, ce sont les organisations e t associations qui symbolisent à leur manière l’exemple à suivre pour les personnes se sentant concernées par la justice sociale et écologique. Elles sont les modèles que les institutions politiques ne peuvent assurer.


Leur imagination n’est pas en reste tout autant que leur motivation. Tous les ingrédients sont donc réunis pour lancer un mouvement planétaire inépuisable. Il est grand temps de partir à la rencontre de ses militants acharnés qui luttent sans relâche pour transmettre au grand public leur vision d’un monde plus juste et durable.


L’agriculture urbaine


Aujourd’hui il est inenvisageable de pouvoir nourrir les grandes villes uniquement grâce à des fermes urbaines. Cependant, comme l’explique l’actuelle maire de Paris, Anne Hidalgo, les grandes métropoles ont besoin de ceintures maraîchères pour pouvoir les alimenter. C’est pourquoi la mairie de Paris a mis en place un projet à grande échelle d’agriculture urbaine, appelé Parisculteurs.


En faisant signer une charte à de nombreux acteurs, cette dernière a pour objectif d’atteindre une superficie de 33 hectares d’agriculture urbaine d’ici fin 2020. Et au milieu des nouveaux projets qui émergent dans la capitale, celui de Sophie Jankowski, ex-directrice d’un bureau de poste à Paris, s’avère être très intéressant.


« Un potager dans la cour d’école ». Pour Sophie, c’est le déclic. Alors qu’elle est maman de deux enfants et directrice d’un bureau de poste dans le XIe arrondissement de Paris, elle décide d’entamer une nouvelle histoire. « Dans le regard d’un enfant de 10 ans, j’ai compris qu’une ville comestible et végétale était le modèle à adopter ».


L’idée de végétaliser les toits des centres de tri de son entreprise, La Poste, lui est apparue évidente. Comme un signe du destin, elle se rend un jour sur le toit d’un centre de tri et y découvre une grande quantité de terre. « L’agriculture hors-sol était la solution la plus adaptée à mes envies et à la typologie des lieux ».


Bercée par des figures du développement durable comme la militante écoféministe indienne, Vandana Shiva, Sophie Jankowski souhaite acquérir une autonomie alimentaire en revenant à la graine. Mais fallait-il encore réussir à persuader les dirigeants du groupe La Poste afin que son projet, dénommé « Facteur Graine », voie le jour. Après de nombreux entretiens et réunions son projet prend forme dans le cadre de la version numéro 1 des Parisculteurs.


Apprentissage post-professionnel


« Les postiers sont des campagnards qui ont suivi le sens migratoire de l ’urbanisation. L’agriculture fait partie de nos gênes », sourit Sophie. Et malgré le fait qu’elle n’ait aucune expérience, Sophie s’est simple ment « laissée porter par l’expérimentation et a observé la forme que cela prenait ». L’objectif était et est encore d’apprendre les pratiques de cette transition tout en prenant en compte les nécessités économiques.


Cet apprentissage concerne notamment les personnes à la retraite. « Aujourd’hui, on remarque que de plus en plus de personnes sont forcées de partir le plus tôt possible ». Un phénomène qui ne cesse d’alimenter les situations de précarité et de solitude. C’est donc ici, en accompagnant d’anciens salariés dans leur vie post-professionnelle, que la dimension sociale du projet prend tout son sens.


Car quand on parle d’agriculture urbaine, l’aspect social est aussi important que l’aspect écologique. Cette démarche humaine qui se trouve au cœur des alternatives de l ’agriculture intensive, l’est également chez Facteur Graine. « C’est une façon d’entamer et de poursuivre une transition professionnelle et de créer un lien intergénérationnel grâce à l’échange et l’apprentissage », souligne Sophie. C’est d’autant plus symbolique car dans le collectif « la hiérarchie est horizontale et non pyramidale comme dans nos anciennes ou actuelles entreprises ».


Le mode de fonctionnement très ouvert permet la création de nombreux ateliers développés pour des salariés, sous la forme de formations. « La trentaine d’employés peuvent ainsi prendre les choses en main ». C’est un véritable laboratoire à ciel ouvert qui est par la suite « devenu un exemple et une inspiration pour de nombreux projets », révèle Sophie.




En pleine permaculture


Cet espace de citoyenneté fourmillant d’êtres humains avance à contre-courant de l’agriculture intensive qui adopte une logique de profit en passant par l’omniprésence des machines dans les cultures. La mécanisation ici n’est aucunement nécessaire car Facteur Graine pratique la permaculture. C’est -à-dire que Sophie et ses collègues mixent et associent diverses productions pour que le système en entier se suffise à lui-même.


Chez Facteur Graine ils ont notamment adopté la technique des Trois-sœurs, en plantant sur la même parcelle du maïs, des haricots et des courges. « Cette association permacultrice nous permet de faire des économies en eau et en énergie car les semences se complètent », relève Sophie.


Sophie Jankowski


Ensuite toute la production créée sur les toits est partagée avec le plus grand nombre. « Chaque semaine on organise un marché avec une clientèle de tous horizons ». Sans aucune logique de profit, le collectif réussit néanmoins à être autonome et conserve ainsi sa sphère d’indépendance et de responsabilité.


Une autonomie qui ne fait pourtant par l’unanimité au sein des agriculteurs urbains. « Aujourd’hui, on voit arriver des initiatives en mode start-up, qui sont en relation avec de grands restaurateurs, témoigne Sophie. Le principal problème de ce mode de fonctionnement est que l’on perd l’essence même de l’agriculture urbaine ». Il est vrai qu’en abordant l’agriculture citadine avec une logique de profit, la dimension sociale perd de sa valeur.


Ce sont autant de projets qui doivent servir de « locomotive en dehors de Paris et devenir des symboles viables d’une agriculture non mécanisable et non industrielle ». Pour Sophie, la ville doit jouer le lien entre la métropole et la campagne. Et doit aussi dé montrer aux consommateurs que le pouvoir se trouve dans leurs assiettes.


Antoine ALLART


Crédit Photos : Facteur Graine.

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